[INTERVIEW] Alex Evans de Media Molecule

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Je vous parlais d’Alex Evans dans la dernière masterclass organisée par Jeux Vidéo Magazine et Orange, partenaire de ce rendez-vous jeux vidéo maintenant bien connu.
Et bien ce grand monsieur, co-fondateur de Media Molecule (pour le petit rappel), m’a fait le grand honneur de répondre à quelques-unes de mes questions. Voici donc son interview, réalisée avec beaucoup de franchise et de simplicité de sa part, comme à son habitude 🙂

Quand tu étais enfant, jouais-tu aux jeux-vidéo ? Est-ce que tu as toujours été baigné dedans ?

Etant enfant, j’étais plus dans les LEGO qu’autre chose ! J’avais un appareil appelé « Datel Robotek » pour mon ZX spectrum et je pouvais contrôler mes LEGO de mon ordinateur… C’était génial. Donc j’ai toujours programmé plus que joué en réalité, mais ceci-dit j’achetais beaucoup de jeux 8-bits avec mon argent de poche ! C’était juste que je ne jouais pas autant que je programmais. Plus tard, j’ai passé des heures à regarder les bornes d’arcade sur le ferry vers la France pour nos vacances de fin d’année en famille, et ce voyage annuel me donnait de l’énergie pour toute l’année pour programmer des jeux une fois chez moi. Evidemment je n’ai jamais, ne serait-ce qu’approcher des graphismes de bornes d’arcade sur mon spectrum en BASIC… mais je trouvais tellement d’inspiration dans les jeux que cette « énergie » m’apprenait beaucoup au final.

 

Quels ont été les premières consoles/jeux auxquels tu as joué ?

La première fois que j’ai vraiment mis les mains sur une console, c’était quand je suis allé en Hollande pour voir mes nouveaux amis du groupe Acme, pour faire une démo appelée 303. Nous avons passé une semaine ensemble, fait une démo et joué à Wipeout sur PlayStation 1. C’était la première fois que je travaillais avec d’autres démonstrateurs, et ils étaient à fond dans la pop culture (MTV, PlayStation, Electro music allemande, etc.) donc ça m’a vraiment ouvert les yeux à un tout nouveau panel d’influences. Ce que j’ai d’ailleurs utilisé pour cette démo.

 

LittleBigPlanet a été un grand tournant dans l’industrie des jeux vidéo, pour PlayStation, mais aussi pour Media Molecule bien sûr. Comment celà a-t-il changé ta vie personnellement ?

LittleBigPlanet change encore ma vie aujourd’hui ! C’est dur de mettre des mots sur les sentiments qui ont succédé au pitch de Sony, ou aux premières images de LBP montrées au public à la GDC. Une année de travail acharnée, faite en secret sans aucune validation extérieure, a été acceptée par le public en un instant ! Quand je suis descendu de scène, j’ai compris que quelque chose de gros venait de se produire, mais il m’a fallu des années pour l’encaisser ! Beaucoup de membres de l’équipe qui ont travaillé sur la démo regardaient de chez eux, et faire LBP nous a tous galvanisé et continue encore pendant les moments durs.

 

Est-ce que travailler exclusivement pour PlayStation a été un choix personnel ou plutôt un choix commercial ? Est-ce que vous êtes libre dans vos choix et directions choisies ?

A la base, nous avons fait un choix commercial et technique afin de faire une approche vers un unique constructeur (Microsoft, Sony, Nintendo). Nous voulions nous focaliser sur une plateforme unique pour utiliser nos ressources (limitées dû à la taille de l’équipe) de façon optimale. Nous voulions une relation proche pour que l’entreprise supporte notre projet, en fasse la promotion mais aussi finance son développement (nous n’étions pas intéressés par travailler « gratuitement » ! Un modèle certes noble mais que nous n’avons pas choisi :))

Nous savions aussi que la nouvelle génération de consoles arrivait (les PS3, Xbox 360, Wii étaient la next gen !) et que les constructeurs avaient de l’argent à investir dans les exclusivités. C’était parfait ! Nous venions juste de refuser une superbe offre de Valve, comme nous avions décidé de commencer un studio de jeux par nous-même, même si nous adorions Valve (et Lionhead & Criterion, nos anciens employeurs).
Donc un premier pitch a été fait avec Nintendo America, mais sans grand chose à montrer en dehors des membres de l’équipe et de nos expériences. Ils étaient chauds, mais ils ne nous ont pas offert d’argent ou de deal… ok ! Nous n’avions rien et je n’étais pas du tout prêt.

Ensuite un ami proche, Pete Hawley, a qui je dois beaucoup et qui venait d’intégrer Sony comme producteur, nous a décroché un meeting de 45 min avec Phil Harrison. Donc Sony étaient les suivants… Nous avions eu quelques semaines pour faire une démo jouable, dont David Smith a quasiment tout fait. Cela s’appelait Yellowhead. Le pitch a finalement duré 3 heures, et Phil Harrison était tellement excité et motivant pour qu’on travaille avec lui, que nous savions que cette fois-ci était la bonne. Nous ne sommes du coup jamais allés vers Microsoft !
Qui sait ce qui ce serait passé si les dates avait été fixées différemment et que nous avions rencontré MS avant Sony…

 

Nous avons vu des nouvelles fonctionnalités dan Tearaway pour PS Vita grâce aux technologies de la console (tactile, gyroscope, etc.). Est-ce que la PlayStation 4 vous donne plein de nouvelles possibilités et d’opportunités pour le développement ?

Absolument ! L’équipe qui a développé Tearaway le refait pour PS4. Le concept de « casser les 4 murs » est toujours là mais au lieu de tenir le monde dans ses mains, nous influençons à présent le monde de Tearaway via le « portail » qu’est la télévision. La lightbar de la Dualshock 4 brille dans le monde, et vous pouvez lancer les personnages dans l’autre sens, de Tearaway vers notre monde (notre gamepad en réalité). Et plusieurs autres choses !
Ils ont supprimé les mécaniques spécifiques à la PS Vita (le pavé tactile arrière par exemple) et ajouté des tonnes de nouvelles mécaniques pour utiliser la puissance de la PS4. Nous ne voulions pas avoir de choses à moitié portées… C’est donc un remake « clean », qui colle bien à la PS4.
Nous avons vraiment pris le raisonnement « C’est une nouvelle plateforme, donc qu’est-ce qu’elle peut offrir de nouveau et de frais ? » Et la réponse est, bien sûr, « beaucoup ! ».
En tant que technophile évidemment j’adore la PS4, elle est très puissante, c’est fun de travailler avec, et nous pouvons coder dans les couches trèèès basses, même en assembleur si nous le voulons. Fun pour les vieux geeks comme moi !

 

Nous avons appris pour Tearaway Unfolded qui arrivera bientôt sur PS4, mais également un projet secret. Est-ce que tu as des infos ou des trucs cool à nous dire dessus ? 🙂

Et bien, c’est notre prochaine étape sur le contenu généré par l’utilisateur (UGC), mais nous préférons dire « creative gaming ». Le projet va complètement ré-inventer le UGC de nouveau, je pense. C’est vraiment de la folie ! C’est notre « plan sur la comète », la chose la plus ambitieuse que nous ayons faite. je ne peux pas en dire plus, mais vous avez pu voir mon discours en février 2014 à l’event PS4, avec une démo furtive qui ne montrait juste que quelques éléments du jeu, avec des marionnettes etc.
Il y a bien plus, mais nous ne sommes pas prêt à en dire davantage pour le moment. Bientôt, je promets !

 

Si tu pouvais changer quelque chose dans ta vie, que choisirais-tu ?

Je souhaiterais ne pas avoir été aussi distrait 🙂 J’adore ça mais je hais ça aussi !
Je peux passer des heures à rêver éveillé, en cherchant juste de l’inspiration. Je suis allé récemment à Copenhague pour de mini vacances de 3 jours, et je suis tombé amoureux de la ville. J’adore mettre des écouteurs, et me perdre dans une nouvelle ville. Juste rêver et marcher.
Donc je crois que je souhaiterais avoir eu plus de temps à faire ce genre de choses, mais en même temps, pour les autres jours, avoir plus de discipline pour créer plus de choses et ne pas perdre autant de temps.
Et j’ai aussi besoin de passer 24h/24h 7j/7 avec ma famille. Please. 🙂

 

Sur quel(s) jeu(x) aurais-tu aimé travailler ou collaborer ?

N’importe quel jeu sur lequel Fumito Ueda a travaillé ! J’adore particulièrement Ico. Je n’ai pas vu le making of de Last Guardian mais j’adorerais. Dans une autre vie, peut-être, j’aurais pu travailler dessus.

 

Quelle(s) personne(s) ont été importantes dans ta carrière et pourquoi ?

J’ai été tellement, tellement chanceux.
Dans l’ordre chronologique, Peter Molyneux (pour l’inspiration), Glenn Corpes (mon premier boss ! Il m’a appris comment écrire un script pour texturer des polygones), Mark Healey (Bullfrog et maintenant Media Molecule, mon idole ! J’ai toujours su que je voulais tavailler avec lui), Pete Hawley (le temps passé ensemble pour nos visuels pour Warp Records et ensuite pour le pitch chez Sony grâce à un de ses contacts), Phil Harrison et les fondateurs de Media Molecule (Siobban Reddy, David Smith, Kareem Ettouney, Chris Lee) qui sont toujours mes amis proches et avec qui on se forge mutuellement nos carrières les uns les autres. Ca peut sonner « con-con » mais le développement de jeux est un jeu d’équipe et le plus important de tout est de bien choisir avec qui vous travaillez.
Plus récemment, la vie à MM dans Sony a été rendue merveilleuse grâce à Shuhei Yoshida qui nous a supporté et nous a laissé faire tout ce que nous voulions faire. Les « Ex-dev » de chez Sony (Pete Smith, John Rostron, Michael Denny) pour nous avoir dit franchement les choses quand nous allions dans la mauvaise direction.
Lorsque MM grandissait en tant que studio, j’ai été tellement inspiré par Naughty Dog et Christophe Balestra en particulier. J’adore le rencontrer et partager des anecdotes avec lui lors de démos.

 

As-tu des conseils pour les personnes qui veulent créer des jeux vidéo ou travailler dans cette industrie ?

Oui : Créez quelque chose. Autant que possible. C’est tout. Créez quelque chose, entraînez-vous, devenez à l’aise. La création de jeux est un art, amusez-vous avec !

 

Encore un ENORME MERCI à Alex Evans qui, comme on peut le lire, n’a pas fini de faire parler de lui ni de Media Molecule 🙂

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